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Pour la presse algérienne, la visite d’Emmanuel Macron au Maroc risque de « sectionner définitivement le fil d’Ariane qui le retient encore à Alger »

A quelques exceptions près, la presse algérienne, à l’image du journal arabophone El Khabar, a ostensiblement choisi d’ignorer la visite d’Etat du président français Emmanuel Macron au Maroc et sa réaffirmation de la souveraineté du royaume chérifien sur le Sahara occidental. Elle a plutôt choisi de se focaliser sur celle du chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, au sultanat d’Oman, et les préparatifs du défilé militaire qui doit se tenir à Alger vendredi 1er novembre, en commémoration du déclenchement de la guerre d’indépendance en 1954.
Dérogeant à la tendance, le journal francophone El Watan a choisi de mettre en exergue en une, mercredi 30 octobre, le nouveau thème de discorde dans les relations algéro-françaises : « Sahara occidental : Macron bafoue le droit international. » Le changement de cap du président français sur ce territoire disputé entre Rabat et les indépendantistes du Front Polisario, question centrale de la politique extérieure de l’Algérie, qui soutient les seconds, est largement considéré comme une cause de rupture dans la relation bilatérale avec l’ancienne puissance coloniale.
Emmanuel Macron « en remet une couche au Maroc, concernant le Sahara occidental. Au risque de sectionner définitivement le fil d’Ariane qui le retient encore à Alger » écrit ainsi El Watan, soulignant que cet alignement sur la position marocaine a provoqué « une profonde crise » avec l’Algérie. Le journal rappelle que, pour Alger, la décision française ne « sert absolument pas l’objectif de la paix au Sahara occidental », mais « justifie et aide à consolider le fait accompli colonial dans ce territoire ».
Dans certains journaux en ligne, la tonalité est encore plus virulente. Emmanuel Macron « a définitivement enterré tout espoir de réconciliation entre l’Algérie et la France, tant qu’il sera encore au pouvoir… » écrit, mardi 29 octobre, Algérie patriotique, site d’information appartenant au fils de l’ancien ministre de la défense Khaled Nezzar.
Selon lui, la visite de M. Macron « à son protectorat marocain » a « deux buts réels » : la « captation des bénéfices colossaux » de l’Office chérifien des phosphates (OCP) et la création d’une base navale française « au plus près de la frontière maritime avec l’Algérie ». Aucune information ne va pourtant en ce sens.
A l’inverse, le site Patrie News, soutien de la politique gouvernementale, juge que les actions d’Emmanuel Macron, président « le plus impopulaire et le plus détesté de toute l’histoire de Ve République », semblent « indépendantes de sa volonté, dès lors qu’il s’agit du Maroc et de colonisation du Sahara occidental ». Patrie News laisse ainsi entendre que le président français serait victime d’un « chantage » de la part des services de renseignement marocains, la Direction générale des études et de la documentation, « qui a dû récolter des éléments fortement compromettants sur lui avec le recours au logiciel espion Pegasus ».
Le site Tout sur l’Algérie (TSA) estime pour sa part que le rapprochement entre la France et le Maroc après trois années de brouille s’est fait sur le dos du peuple sahraoui et sous l’impulsion des « lobbies français hostiles » à l’Algérie. En clair, le président français aurait cédé aux pressions la droite et de l’extrême droite, bien plus proches du royaume chérifien que d’Alger.
« Emmanuel Macron a beau souligner dans son discours que cette nouvelle position de la France sur le Sahara occidental “n’est hostile à personne”, il n’en reste pas moins que l’objectif de ceux qui lui ont mis la pression pour céder à Rabat [est de] le détourner de son entreprise d’ouvrir une nouvelle page avec l’Algérie », commente TSA.
Le chef de l’Etat algérien avait évoqué le 5 octobre la relation avec Paris en assurant qu’il voulait « préserver le cheveu de Muawiya ». Une formule qui fait référence à une sentence prêtée au calife omeyyade du VIIe siècle Muawiya, disant que s’il « n’y avait entre moi et mes sujets qu’un cheveu, je le relâcherais quand ils le tirent, et le tendrais quand ils le laissent aller ». Pour TSA, le président Abdelmadjid Tebboune a signifié ainsi que « l’Algérie ne cherche pas la rupture, mais aussi que ce qui reste de la relation ne tient qu’à un cheveu. »
Karim Amrouche (Alger, correspondance)
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